La Ferme du Loup - Érablière située en Mauricie, Québec, Canada

Le sirop d'érable est-il menacé par les changements climatiques ?

Changements Climatiques et production de Sirop d'Érable

La production de sirop d'érable, ce symboles emblématiques de l'identité québécoise est-il menacé par les changements climatiques ? Si oui, quels en seront les impacts pour la production de sirop d’érable ? Cette question, on nous la pose souvent.

N’écoutant que mon cœur, avec la ferme intention de donner l’heure juste et d’en apprendre davantage, J’ai consulté plusieurs ouvrages scientifiques sur la question. J'ai ensuite eu la chance d'en discuter avec avec Frederic Tomesco dans cet excellent article publié par le journal The Montreal Gazette.

D’abord, il faut comprendre que l’érablière est un écosystème naturel présent naturellement depuis plus de 6000 ans en Amérique du Nord. On ne plante pas un érable comme on plante la vigne. Le rôle de l’acériculteur est d’entretenir la forêt et d’y maintenir un équilibre respectueux pour l’ensemble des espèces qui s’y rattache. L’érable aura atteint environ l’âge de 40 ans avant qu’on puisse l’entailler pour lui assurer sa conservation. La sève prélevée par les acériculteurs représente environ 6% de l’énergie utilisée par l’érable pour se développer. (Ouimet et coll. 2021, La drf : plus de 50 ans à votre service, Gouvernement du Québec). 

L'un des impacts les plus évidents des changements climatiques sur les érablières est l'augmentation des températures moyennes. Les hivers plus doux et les étés plus chauds perturbent le cycle naturel des érables à sucre (Acer saccharum), compromettant leur capacité à produire de la sève de qualité. Des études telles que celles menées par l'Université du New Hampshire indiquent que les érables à sucre sont sensibles à des températures hivernales plus chaudes, ce qui peut entraîner une réduction de la production de sirop.

Il faut noter qu’en acériculture, les saisons connaissent des variations considérables d'une année à l'autre, fortement influencées par la météo, à l'instar de la viticulture. Ces dernières années, l'amélioration des équipements, le progrès des connaissances et de la technologie ont grandement amélioré le rendement des érablières. En raison de toutes ces variables, Il devient complexe d’évaluer à court terme l'impact des changements climatiques sur une exploitation. 

Nombreux sont les acériculteurs notant un avancement des premières coulées d'érable. Une équipe de Enquêtes exclusives, cette emblématique émission diffusée sur M6 en France était à La Ferme du Loup en février 2024. Il pleuvait en plein hiver, une situation anormale pour nous.

Cependant, les scientifiques s'accordent à dire que les influences climatiques sur l'acériculture sont rarement aussi simples et claires qu'avec ce seul exemple. 

Augmentation des Températures et Changements de Saison

Il est néanmoins prévu que les températures au Québec vont continuer à augmenter au moins jusqu'à la fin du siècle, avec un réchauffement accentué pendant les nuits et les hivers. Il est à prévoir une augmentation des précipitations d’averses de pluie en hiver causant un verglas néfaste pour les arbres.

La diminution du couvert de neige aura pour effet d’endommager les racines des arbres laissés sans protection durant les journées les plus froides. Les sécheresses d’été auront pour effet de réduire les réserves d’énergie des arbres ainsi que la teneur en sucre de la sève des érables.  

Si les effets individuels de chaque modification semblent relativement prévisibles, ceux-ci seront différents selon les régions et les lieux spécifiques des exploitations. On pourrait croire que les régions plus au sud auront des saisons de récolte précoces et moins productives et que les régions plus au nord auront une plus longue saison de récolte. 

 Clara Bonnes et Patrice Plouffe. Crédit The Montreal Gazette.

Impacts sur la qualité et la quantité de la sève d’érable

Plus inquiétantes que les impacts directs sur la production acéricole, les interactions complexes des changements climatiques avec la santé des arbres et des érablières émergent.

Les érables à sucre sont également vulnérables aux maladies et aux ravageurs qui prospèrent dans des conditions climatiques changeantes. Par exemple, des hivers plus doux peuvent favoriser la prolifération de maladies fongiques, affectant la santé des arbres ; l’arrivée de nouvelles insectes attirées par un climat plus chaud, pourraient également poser des risques, comme l'invasion du longicorne asiatique, pouvant entraîner la mort de millions d'érables.

Les sécheresses, réduisant les réserves d'énergie, peuvent causer la mort des érables. Les épidémies d'insectes, comme la spongieuse, ajoutent au stress, consommant les réserves.

Or, pour un érable, faire pousser une nouvelle feuille prend de l’énergie. Certaines années, les conditions environnementales seront propices pour accumuler plus de réserves, mais celles-ci seront la plupart du temps utilisées davantage pour couvrir les besoins énergiques liés aux stress. Désormais, Les érablières pourraient nécessiter des périodes sans entaillage pour récupérer.  

Les érables, réagissant lentement à leur environnement, peuvent subir des déclins importants sans signes apparents pendant plusieurs années. 

Perspectives pour l'avenir du sirop d'érable

Face à ces défis, les producteurs de sirop d'érable doivent s'adapter aux nouvelles réalités climatiques pour assurer la durabilité de leur industrie. Cela peut inclure l'adoption de nouvelles pratiques de gestion forestière ou encore l'utilisation de technologies innovantes pour maximiser la production de sirop.

Nous pouvons percevoir une abondance de signes des changements globaux. Plus au sud, les frênes sont en train de mourir lentement à cause de l’agrile, un autre insecte exotique envahissant. À La Ferme du loup et chez nos voisins, les gros hêtres souffrent de la maladie corticale du hêtre.  

Les scientifiques s’entendent pour dire qu’il est important de conserver ces essences compagnes afin de garder vivant cet écosystème mais le canari est dans la mine.

Après avoir lu sur la question j’en conclus qu’à l’heure actuelle, le risque encourut par les producteurs acéricoles du Québec n’est pas la diminution de la production de sirop d’érable mais bien la menace de perdre la diversité et de voir dépérir les érablières.

Si nous n’agissons pas aujourd’hui, la conséquence pourrait s’avérer désastreuse pour les producteurs et productrice de sirop d’érable soit la perte totale des actifs et des investissements de cette industrie.

La nature est forte, les érablières retrouveront possiblement leur équilibre naturel dans 100, 200-voire 300 ans. Mais est-ce vraiment l’héritage que nous voulons offrir à nos enfants et petits-enfants ?

Source :

"Climate Change and the Sustainability of Sugar Maple Forests: An Integrated Model Approach" https://scholars.unh.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1231&context=carsey

"Climate Change Impacts on Maple Syrup Production in the Northeastern U.S.: An Analysis at High Spatial Resolution".  https://www.nrs.fs.fed.us/pubs/gtr/gtr_nrs119.pdf

"Projected Influences of Changes in Weather Severity on Sugar Maple, Acer Saccharum, Sap Production".  https://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0066165

"Canada's Changing Climate Report" https://changingclimate.ca/CCCR2019/

National Geographic :"How Climate Change disrupt fall foliage" https://www.nationalgeographic.com/environment/article/fall-foliage-disrupted-by-climate-change-might-be-new-normal

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