Pourquoi avoir nommé ainsi le Pet’nat de la Ferme du loup ?
Trouvez-vous, comme nous, que nommer une marque de vin Pet’nat ce n’est pas tout à fait sexy? Alors pourquoi ce lèse-majesté? Pourquoi pas Domaine de La Ferme du loup? Ou encore tout simplement Pétillant Naturel acéricole?
La raison est fort simple. Si vous avez lu notre article précédent, vous avez compris que les vins d’érable représentent une nouvelle catégorie dans le merveilleux monde de la vinification. Ce produit unique a le défaut de sa qualité, c’est-à-dire qu’il est méconnu du grand public.
Depuis quelques années, les consommateurs et amateurs de vins de toutes sortes, se tournent vers des produits locaux, nature ou naturels et cherchent à se rapprocher des artisans qui les confectionnent.
C’est ainsi qu’on a remis au goût du jour le Pet’nat (ou pet-nat), d’abord en France mais aujourd’hui dans les grandes capitales gastronomiques de New York à Tokyo. Il s’agit en fait de la plus vieille manière de faire des vins effervescents, nommé aussi méthode ancestrale.
L’esprit des nombreux artisans qui confectionnent ce joyeux pétillant est le même ; un vin avec le moins d’interventions possibles, peu ou pas de filtration, peu ou pas de sulfites et beaucoup de plaisirs. Nous nous sommes reconnus dans cette vision œnologique et avons décidé de joindre la parade.
Il n’est pas rare de voir des producteurs nommer leur vin pétillant naturel tout simplement Pet’nat. C’est le choix que nous avons fait. Le consommateur décidera lui-même s’il préfère notre vin mousseux ou celui d’un autre viniculteur.
Comment faire un Pet’nat alors ?
La méthode ancestrale remonterait au 16ème siècle. Des moines bénédictins aurait découvert que le vin mis en bouteille à l’automne aurait fermenté une seconde fois au printemps, produisant des bulles très agréables, au goût joyeux et aérien. Ainsi naissait la Blanquette de Limoux.
La méthode ancestrale a tranquillement été remplacée par la méthode champenoise ou dite méthode traditionnelle. La réputation des champagnes n’étant plus à faire, il semble évident que cette méthode a été préconisée par les nombreux producteurs de différentes régions.
Les champagnes et les crémants s’élaborent en deux étapes; d’abord on produit un vin tranquille sec en laissant reposer sur lie durant une certaine période de temps. Ensuite, on ajoute une liqueur de sucre et de levures pour créer une deuxième fermentation en bouteille, capturant le gaz carbonique de la fermentation, ce qui va créer ces fameuses bulles recherchées à travers le monde.
Depuis une dizaine d’année on a remis au goût du jour la méthode ancestrale. La technique consiste à élaborer l’effervescence sans ajout de levure ou de sucres. La fermentation se fait naturellement ; de la cuve elle se termine en bouteille donnant naissance aux bulles et à la mousse. À La ferme du loup, nous ne filtrons pas le vin, qui est sans sulfites ajoutées. Disons que le fait de travailler sur des petits lots et de livrer nous-mêmes le vin chez nos clients facilite la tâche.
En France, les Pet’nat ne sont pas soumis à la législation des appellations. On retrouve ainsi une grande variété de produits, cépages, couleurs, vignoble ou terroirs. Il peut être sec ou légèrement sucré, vif ou rond. L’important est qu’on n’y retrouve aucun additif chimique, sauf le sulfite qui est toléré en petite dose (le nôtre n’en contient pas, on vous l’a dit ?) Les pétillants naturels sont tout simplement des vins natures pétillants!
Cette liberté, qui laisse la place à l’expression des artisans nous a toujours séduite. Notre matière première provient de la forêt laurentienne ; une érablière est un écosystème naturel présent depuis toujours au Québec. La flore présente est diversifiée et généreuse.
La macération de fleurs et de baies qui poussent autour de notre érablière permet d’acidifier légèrement le moût lors de la fermentation, d’y donner un peu de rondeur et lui procure une belle robe orangée. Tout cela en fait un vin vif à partager lors de l’apéro avec nos meilleurs amis ou ceux qu’on voudrait qu’ils le deviennent.
Un peu plus cher qu’un vin tranquille, le Pet’nat se veut tout de même démocratique. Sa fabrication demande beaucoup d’attention et de manipulations, mais peu d’équipements. Cette bouteille ajoute un éventail de possibilités aux fêtes ou aux brunchs, elle est accessible et produite pour être bu simplement. On aime ou on n’aime pas. Mes amis adorent débuter la soirée avec un Pet’nat … Et ils la finissent souvent de même.
Aujourd’hui, des Pet’nat sont élaborés en Australie, en Argentine, aux États-Unis et un peu partout à travers le monde. De nombreux se nomment ainsi tout simplement, d’autres empruntent des noms et un branding aussi funky les uns que les autres. Une chose est certaine, ils empruntent tous à la philosophie des vins natures.
Une nouvelle génération d’alcools de toutes sortes et de vins font leur apparition dans les restaurants, bars à vins et les tablettes des cavistes. Ces vins sont encensés ou décriés. Chose certaine, ils bousculent les règles établies des plaisirs traditionnels de la table.
Ce vent de renouveau nous a suffisamment inspiré pour mettre beaucoup de temps et d’énergie à élaborer ce produit unique. À chacune des fois où je vois le plaisir que procure cet alcool issue de la fermentation de la sève d’érable, j’ai le goût de poursuivre mon travail.
Et je ne peux m’empêcher à penser à ce fameux film américain Bottle Schock qui raconte l’histoire du jugement de Paris, cette dégustation en 1976 où 11 juges dans une dégustation à l’aveugle donnent la meilleure note à un vin Californien. Le Nouveau Monde venait de gagner ses lettres de noblesse.
La discussion entre tradition et innovation est sans fin. Elle risque de se poursuivre aussi longtemps que nous aurons la chance d’échanger entre nous des points de vues différents. Mais n’est-ce pas ça un peu le plaisir de la table et la beauté du partage? Cheers!
10 juin 2024. Par Patrice Plouffe